Après de longues discussions et une histoire mouvementée, la loi PACTE a finalement été adoptée en seconde lecture à l’Assemblée nationale ce jeudi 11 avril. Elle emporte des changements importants dans les – nombreuses – matières qu’elle touche, parmi lesquelles le droit des brevets d’invention. Un autre volet, tout aussi important, est consacré à la blockchain.
Partant du constat que seulement 21% des brevets d’invention sont déposés par des PME contre 57% par des grosses entreprises, et qu’au sein de l’Union Européenne, les PME françaises déposent 4 fois moins de brevets que les PME allemandes, les rédacteurs de la loi PACTE ont souhaité renforcer le système du droit des brevets d’invention. C’est donc une confirmation du projet de loi qui avait été adopté le 9 octobre 2018. Quatre mesures sont mises en place : création d’une demande provisoire de brevet, d’une nouvelle procédure d’opposition devant l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI), d’un examen a priori du critère d’inventivité du brevet et un renforcement du certificat d’utilité.
L’article 118 de la loi PACTE modifie l’article L.612-15 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) concernant le certificat d’utilité. En effet, jusqu’à présent, ce titre de propriété industrielle n’offrait qu’une protection de 6 ans, désormais étendue à 10 ans par la loi PACTE.
En outre, une demande de certificat d’utilité peut désormais se transformer en demande de brevet, alors que seul l’inverse était possible. Cela permet aux entreprises de bénéficier d’un accès facilité à la protection de l’innovation, ce qui est capital pour leur valeur. L’objectif est de permettre aux entreprises d’ajuster la portée, la durée d’obtention et le coût de sa protection en fonction de sa stratégie IP.
L’article 122 de la loi PACTE (ex-article 42 bis du projet de loi), modifie l’article L.612-12 du CPI et permet à l’INPI d’étudier dès le départ le degré d’inventivité du brevet. Ainsi, les brevets qui ne seraient pas inventifs se retrouvaient bloqués dès leur phase d’instruction, alors qu’il était jusqu’alors nécessaire d’obtenir une décision de justice.
La loi PACTE crée une demande provisoire de brevet dont la durée est limitée à 12 mois. Cette demande est un premier pas vers l’accès au brevet. L’introduction de ce mécanisme vient de la volonté de la procédure américaine similaire, mais en réalité la doctrine et la pratique ont déjà souligné l’utilité réduite en droit français d’une telle procédure. Quoi qu’il en soit, une fois la demande provisoire formée, il sera possible de la compléter, tout en préservant le bénéfice de l’antériorité.
L’article 121 de la loi PACTE (anciennement l’article 42 du projet de loi) laisse le soin au pouvoir réglementaire de créer un nouveau droit d’opposition aux brevets. Concrètement, un tiers peut désormais demander à l’INPI de révoquer ou de modifier un brevet au stade de la demande. Selon les rédacteurs de la loi, cela permettra d’attaquer plus simplement les brevets de faible qualité, par une voie alternative à l’action en justice seule possible jusqu’alors. Bien entendu, la loi offre aussi des recours contre les décisions que l’INPI pourraient prendre sur le fondement de ce nouveau droit.
En tout état de cause cette mesure était particulièrement attendue, notamment car elle permet à la France de rattraper son retard sur ses voisins européens, qui s’étaient déjà doté d’un système similaire. Par ailleurs Office Européen des Brevets (OEB) connaissait déjà un tel système de recours administratif. La loi PACTE est donc un progrès en ce sens.
Outre les dispositions portant sur la propriété industrielle qu’elle comporte, la loi PACTE comprend un volet sur la blockchain, qu’il est intéressant d’examiner.
Les articles 85 et suivants de la loi PACTE dressent un cadre légal pour la blockchain, à travers l’encadrement des Initial Coin Offering (ICO) fonctionnant sur blockchain.
En effet, l’Autorité des marchés financiers (AMF) sera désormais chargée d’examiner les documents fournis par les émetteurs de jetons (les tokens) en amont de leur offre. Elle pourra ainsi délivrer un visa aux entreprises émettrices de jetons, sous condition qu’elles respectent certains critères visant à protéger les épargnants. Toutefois, la loi ne rend pas cette procédure de visa obligatoire. Néanmoins, l’AMF pourra exiger que les émetteurs se dotent de la personnalité morale. Elle pourra aussi exiger qu’ils mettent en place un mécanisme de séquestre des fonds et un dispositif d’identification du client. La liste des entreprises qui respecteront ces critères, dite « liste blanche », servira aux investisseurs à distinguer les projets sérieux qu’ils pourront financer sans crainte.
Mais qui dit ICO dit blockchain, si bien qu’il a fallu aux rédacteurs de la loi donner un cadre juridique pour les « intermédiaires en actifs numériques », c’est-à-dire les plateformes qui proposent d’héberger de telles levées de fonds. Ces intermédiaires, ainsi que les plateformes d’échanges de cryptoactifs, pourront solliciter un agrément auprès de l’AFM, qui vérifiera alors leur fiabilité et leur sérieux. Pour lutter contre le blanchiment, les services de conservation des tokens et les plateformes de change entre cryptomonnaie et monnaies légales seront soumis à une obligation d’enregistrement.
Il ne reste plus qu’à appeler de nos vœux une reconnaissance textuelle expresse de la blockchain comme preuve des droits de propriété intellectuelle, qui parachèverait la démarche de reconnaissance par les autorités françaises, qui débute bien avec cette loi PACTE.