C’est notamment le cas en matière de propriété intellectuelle où des cas d’usage se développent depuis quelques années.
Dans ce guide, nous allons découvrir :
La blockchain bitcoin est un réseau électronique qui fonctionne selon une technique de peer to peer, comme un vaste registre public intégrant l’ensemble des transactions effectuées par ses utilisateurs depuis sa création en 2009. Ces transactions sont regroupées à l’intérieur de blocs, eux-mêmes classés de façon chronologique, du plus ancien au plus récent. Chaque bloc contient des informations relatives au bloc précédent de telle sorte qu’il est impossible de le modifier sans avoir à modifier toute la chaîne de blocs en aval. De plus, tous les utilisateurs peuvent télécharger l’intégralité de la blockchain et vérifier à tout moment son intégrité. Entre autres avantages, le contrôle de la blockchain est donc décentralisé. Les autorités se sont intéressées de près à cette nouvelle technologie, tant dans le domaine des marchés financiers que de la preuve.
Dans le domaine de la propriété intellectuelle, la blockchain permet trois grands cas d’usages qui donnent chacun lieu à des applications multiples et innovantes.
La blockchain permet d’enregistrer et de stocker de manière pérenne et infalsifiable des informations, ce qui est souvent présenté sous l’expression « notariat électronique ».
Exemples : Stampery, Blockcerts et BlockchainyourIP.
Basée à Madrid, elle a été créée en avril 2015. Elle est utilisée pour assurer l’existence, l’intégrité et l’attribution des communications, des processus et des données de toutes natures (fichiers, emails, etc). Un partenariat a été annoncé en mars 2016 avec la république d’Estonie pour permettre à tous les résidents estoniens de certifier leurs état-civil, documents et communications.
Elle a été créée en 2015 à Cambridge par l’éditeur de logiciels Learning Machine et MIT Media Lab. Les lauréats chargent leur diplôme sur Blockcerts afin que le site « hashe1 » la copie numérique dudit diplôme. Ainsi, lorsque l’étudiant postule à un emploi ou un stage, il pourra joindre à son dossier de candidature la version numérique de son diplôme, le hash dudit diplôme et le hash de la transaction blockchain. Cette procédure constituant une preuve cryptographique, l’entreprise qui le souhaiterait pourra ainsi vérifier la réalité de l’obtention du diplôme par le candidat.
BlockchainyourIP ancre dans la blockchain Bitcoin l’empreinte numérique2 d’un document, ce qui lui donne une date certaine. Le rapprochement entre l’empreinte et le document permet d’établir une preuve d’existence, et peut être rapportée devant les tribunaux pour établir l’antériorité de la création. BlockchainyourIP devient ainsi un moyen supplémentaire de preuve, avec comme particularité l’usage de la blockchain.
En matière de propriété intellectuelle, la technologie blockchain possède une grande utilité, sous l’angle de la preuve. En effet, en matière de droit d’auteur, et plus largement de droits de propriété intellectuelle non-enregistrés (comme les secrets d’affaires ou les accords de confidentialité-NDA), la blockchain permet de générer une date certaine de dépôt, ainsi qu’une preuve du contenu de l’œuvre. La blockchain sert ici à renforcer la preuve, qu’il est parfois difficile de rapporter : les droits non-enregistrés souffrent en effet d’une discrimination probatoire au regard des droits droit enregistrés comme les brevets d’invention, les marques ou les dessins et modèles. Mais même concernant les droits de propriété intellectuelle enregistrés, la blockchain n’est pas inutile, puisqu’alors il est possible de protéger toute la phase d’avant-dépôt de la demande de titre, phase qui peut dans certains cas durer un certain temps…
La blockchain permet d’assurer la traçabilité et de vérifier l’authenticité des produits. Elle pourrait dans ces conditions constituer un outil essentiel d’identification des faux produits sur le marché. En inscrivant chaque étape de la vie d’un produit dans une blockchain, de la fabrication au transport final pour mise sur le marché, la traçabilité intégrale et inaltérable est ainsi assurée.
Exemples : Everledger et VeChain
Créée en avril 2015 à Londres, elle s’appuie sur la technologie blockchain pour proposer un service de certification capable de prouver la provenance et d’identifier le propriétaire des diamants enregistrés dans son grand livre. Jusqu’à présent, près d’un million de diamants ont été inscrits.
Créée en novembre 2016 à Singapour, cette solution répond aux problématiques de traçabilité de tous les produits, y compris alimentaires, en rendant la fabrication et la chaîne d’approvisionnement des produits publiques, transparentes et traçables par le monde entier. Elle permet à tous de contrôler l’origine de production, l’élaboration, le mode de livraison d’un produit, ce qui assure donc une traçabilité totale du cycle de production et de commercialisation d’un produit.
En matière de propriété intellectuelle, cette fonction a bien entendu des applications de la plus haute importance en matière de contrefaçon. L’utilisation de la blockchain peut en effet permettre de lutter plus efficacement contre la contrefaçon, en ancrant dans une blockchain le hash – par définition unique – du produit signé par le distributeur, on peut ensuite en assurer l’authenticité et détecter ainsi très facilement d’éventuels produits contrefaisants. La blockchain facilite donc matériellement l’authentification des produits ce qui permet d’établir matériellement la contrefaçon, mais aussi au stade du procès, puisqu’elle sert de preuve comme on l’a déjà vu.
Il y a ainsi deux aspects. Le premier concerne l’authentification des objets physiques (par exemple, le hash est micro-gravé sur le diamant que l’on souhaite authentifier). Le second aspect porte sur de nouvelles possibilités, telles que l’art numérique. Devant la facilité accrue de la contrefaçon en ligne, la blockchain pourrait se révéler un atout supplémentaire.
Cette fonction a été développée par la blockchain Ethereum, solution inventée par Vitalik Buterin au Canada en 2013. The Ethereum Foundation, fondation de droit suisse, a été créée pour promouvoir le développement de cette technologie fondée sur un protocole d’échanges décentralisés permettant la création, par les utilisateurs, de contrats intelligents grâce à un langage. Les utilisateurs du réseau d’Ethereum ne se contentent pas de valider des transactions monétaires avec la crypto-monnaie « Ether » ; ils exécutent du code qui permet la mise en place des smart contracts.
Ces « smarts contracts » désignent, selon Blockchain Partner, « des programmes autonomes qui, une fois démarrés, exécutent automatiquement des conditions définies au préalable. Ils fonctionnent comme toute instruction conditionnelle de type « If – then » (si telle condition est vérifiée, alors telle conséquence s’exécute) ».
Exemples : Slock-it et Augur.
Elle a été créée en 2015 en Allemagne. Il s’agit de créer l’infrastructure de l’économie du partage. Son slogan est « Louez, vendez ou partagez tout ce que vous voulez ». Un lien est ainsi établi entre un objet connecté, par exemple une serrure d’appartement et la blockchain.
Elle a été créée en 2015 aux Etats-Unis. Le joueur mise une somme d’argent sur la réalisation ou non d’un événement, et obtiendra des gains en cas de bonne prédiction.
En parallèle de ces applications, la blockchain investit d’autres secteurs, comme celui de la musique.
La blockchain est reconnue comme un outil pertinent en termes de gestion d’exploitation des droits musicaux. L’initiative récente de la SACEM, de l’ASCAP et de la PRS For Music confirme la pertinence de la blockchain comme outil de gestion d’exploitation des droits d’auteurs. La SACEM a, en effet, annoncé le 11 avril 2017 s’associer à ses homologues américain et britannique, l’ASCAP (American Society for Composers Authors and Publishers), et la PRS for Music (Performing Right Society for Music), afin de construire un projet de blockchain privée destiné à mieux identifier les œuvres musicales.
Pour ce faire, elles souhaitent :
Il faut toutefois noter que la SACEM ne gère que les droits d’auteur, et non pas les droits voisins comme ceux des artistes-interprètes.
Une deuxième phase a ensuite vu se dessiner l’expérimentation de la capacité de traitement d’un plus grand volume d’œuvres : 10 millions d’œuvres sont en cours de partage afin de constituer une base de 30 millions de liens. A terme, les 170 sociétés d’auteurs mondiales et autres acteurs de cette industrie (Spotify, YouTube etc.) pourraient utiliser ce registre virtuel. Toutefois, une fois rendue publique, l’utilisation de la blockchain posera d’importantes questions de gouvernance : comment s’organise la gestion des « smart contracts », qui est propriétaire des données, quels sont les devoirs et les droits de chaque contributeur etc…
Néanmoins, la blockchain n’a pas été considérée par la SACEM comme étant assez mature pour gérer la volumétrie des données et la complexité des algorithmes utilisés pour faire le lien entre les œuvres et les enregistrements. Cette approche n’est en effet pas optimisée et pose des questions de passage à l’échelle. Si bien qu’à partir de la phase trois du projet, l’architecture a été repensée et la blockchain est utilisée pour horodater les données insérées dans la base de données commune aux trois utilisateurs pour garantir la traçabilité des données. Si le projet réussit et entre en production, on pourrait imaginer que d’autres acteurs de l’industrie rejoignent cette base de données commune. Les avantages attendus sont toujours les mêmes : permettre une rémunération plus fine des auteurs, en fonction du nombre réel d’écoute, et non plus en se fondant sur des approximations ou des sondages.
Bien que les smarts-contracts peuvent s’appliquer à la création artistique, ils présentent toutefois des limites, notamment en matière d’intégrité de l’oracle et de programmation du « contrat »3. De plus, les problèmes de scalabilité inhérents à la blockchain Ethereum peuvent eux-aussi constituer un obstacle.
1 « hasher » un document signifie qu’une fonction de calcul comme la fonction SHA 256 employée dans le protocole bitcoin calcule l’empreinte numérique du document. Cette empreinte est une suite alphanumérique inintelligible que l’on appelle le hash.
2 Il s’agit du fameux hash. Cette empreinte numérique est calculée à partir du document source. Pour un document source donné, il ne peut y avoir qu’un et un seul hash. De plus, il est impossible de reconstituer le document d’origine à partir du seul hash : la fonction de hashage SHA 256 est dite non-bijective.
3 La programmation du smart contract sera souvent en pratique le fait de la « partie forte » qui pourrait imposer des conditions d’exécution à la partie cocontractante « faible », instaurant un déséquilibre contractuel moins perceptible que lors d’un contrat traditionnel.