Selon le rapport d’analyse sectorielle de l’OEB, paru en octobre 2016, les entreprises évoluant dans un milieu riche en droits de propriété intellectuelle (DPI) ont généré entre 2011 et 2013 plus de 42% du PIB européen, ont fait preuve de plus de résistance à la crise économique et ont mieux rémunéré leurs salariés que les entreprises dotées de moins de DPI. En effet, la propriété intellectuelle constitue un réel levier pour booster la valeur d’une entreprise, peu important sa taille.
La propriété intellectuelle – IP pour Intellectual Property en anglais – est en réalité un large ensemble de droits visant à protéger les innovations dans des domaines aussi variés que l’art, la littérature ou l’industrie. Plus précisément, on divise souvent la propriété intellectuelle en deux branches : la propriété littéraire et artistique d’une part et la propriété industrielle d’autre part.
La propriété littéraire et artistique a vocation à protéger les auteurs d’œuvres originales (par le droit d’auteur) et les interprètes ou producteurs (par les droits voisins). L’auteur d’une œuvre originale dispose de facto et sans enregistrement préalable d’un droit d’auteur sur sa création (art. L.111-1 CPI). Au sein de l’entreprise, la création en question peut être un écrit, une photo, un logiciel ou une partition musicale.
Concrètement, le droit d’auteur confère de la valeur à l’entreprise en lui attribuant le droit exclusif d’exploiter l’œuvre (droit de représentation, de reproduction et droit de se faire payer sur toutes les ventes de l’œuvre). C’est la forme la plus basique de création de valeur pour une entreprise, qui peut toutefois cumuler cette protection avec des droits de propriété industrielle, qui apporte souvent une très forte valeur ajoutée à l’entreprise.
On considère classiquement que la propriété industrielle correspond au droit des brevets, des marques et des dessins et modèles. Mais de manière plus précise, il faut bien reconnaître que la définition de la propriété industrielle est plus complexe qu’il n’y paraît. Ainsi, selon l’article 1er de la Convention d’Union de Paris de 1883, le droit de la propriété industrielle comprend les brevets d’invention, les dessins et modèles industriels, les marques de fabrique, de commerce, de service, le nom commercial, l’enseigne, les appellations d’origines, les indications de provenance et la concurrence déloyale. Cette définition est toutefois dépassée, et la doctrine fait aujourd’hui entrer d’autres droits dans la famille des droits de propriété industrielle : les certificats d’obtention végétale, les titres protégeant la topographie d’un semi-conducteur, les secrets d’affaires ou encore le savoir-faire1.
Parmi les différents droits de propriété industrielle qui viennent d’être évoqués, les brevets d’invention et les marques constituent de véritables outils de création de valeur pour les entreprises (v. infra). À la différence des droits d’auteurs, les droits de propriété industrielle sont des droits enregistrés, ce qui signifie qu’il est nécessaire de les déposer auprès d’un office (en France l’INPI, au niveau européen l’OEB pour les brevets d’invention).
S’il est toujours important pour une entreprise de posséder des droits (enregistrés ou non) de propriété intellectuelle, la valeur que ceux-ci peuvent lui apporter est double : dans certains cas, le simple fait de détenir de tels droits fera augmenter la valeur intrinsèque de l’entreprise. Dans d’autres cas, une gestion stratégique de ces titres et droits – notamment par contrats – permet de tirer des revenus parfois considérables.
Le simple fait pour une entreprise de détenir un important portefeuille de brevets ou de marques envoie un message fort au marché et aux concurrents : l’image d’une entreprise innovante, investie dans le progrès technique et soucieuse de protéger ses avancées technologiques. C’est donc une entreprise tournée vers l’avenir, information importante aux yeux des investisseurs qui jaugent ainsi les potentialités de rentabilité des entreprises. Plus une entreprise investit en R&D, plus elle aura de chance d’être rentable sur le long terme, donc plus sa valeur augmente sur le marché. Le raisonnement est le même pour les institutions de financement.
De plus, le fait de posséder un portefeuille de droits de propriété intellectuelle fait augmenter intrinsèquement la valeur de l’entreprise, plus précisément du fonds de commerce. De plus en plus, sous l’effet de la tertiarisation du marché, les titres immatériels composant le fonds de commerce comme la clientèle, le nom, les marques ou les brevets atteignent une valeur bien supérieure aux actifs matériels de l’entreprise comme ses locaux ou ses moyens de production. Lors d’une opération comme une fusion-acquisition par exemple, le fait de posséder des actifs immatériels sous forme de droit de propriété intellectuelle fait indéniablement grimper la valeur de l’entreprise. Un exemple pour s’en convaincre : Facebook, entreprise n’ayant finalement besoin pour fonctionner que de quelques serveurs, des algorithmes et des développeurs est pourtant valorisée à plus de 400 milliards de dollars, somme que n’atteignent pas ses actifs matériels. Cette valeur est en effet composée pour une très large part de ses actifs immatériels.
Toutefois, il ne suffit pas de détenir, mais bien souvent d’exploiter efficacement ses titres et droits de propriété intellectuelle pour en dégager un maximum de valeur pour son entreprise.
Une fois que l’entreprise s’est dotée de titres et de droits de propriété intellectuelle, elle a acquis une certaine valeur de ce seul fait. C’est ce qui vient d’être vu. Mais elle peut aller encore plus loin et générer des revenus supplémentaires en concédant des contrats sur lesdits titres.
Une entreprise très innovante mais disposant de peu de moyens d’exploitation pourra ainsi tirer profit d’un brevet qu’elle aura déposé en concédant une licence d’exploitation à une plus grosse entreprise, pourvue de plus de moyens matériels. L’entreprise déposante générera ainsi une rente, ce qui lui permettra de réaliser un retour sur investissement bien supérieur à celui qu’elle aurait pu réaliser si elle avait exploité elle-même son brevet.
De même, une entreprise peut encore générer de la valeur en vendant ses titres de propriété intellectuelle par contrat de cession. On a vu plus haut que ceux-ci pouvaient atteindre une valeur considérable jusqu’à constituer parfois la seule valeur de l’entreprise. Lorsqu’il s’agit de les vendre séparément, cela peut être très intéressant. C’est ainsi qu’une entreprise souhaitant abandonner son activité dans tel ou tel secteur pourra céder son brevet d’invention à une autre et réaliser à cette occasion une plus-value.
Seule ombre au tableau : le coût de la constitution d’un tel portefeuille de droits de propriété intellectuelle. Déposer un brevet coûte cher – d’autant plus que le champ de protection est étendu – dès lors, se constituer un arsenal complet de droits de propriété intellectuelle demande souvent de déployer une fortune que les petites et moyennes entreprises n’ont que rarement. En cela, la technologie Blockchain peut dans une certaine mesure faciliter l’accès des entreprises à la propriété intellectuelle.
La technologie Blockchain, et notamment la solution proposée par BlockchainyourIP permet justement aux PME d’accéder plus facilement à la propriété intellectuelle. En effet, par un horodatage certain, il est extrêmement facile et peu coûteux de protéger ses droits de propriété intellectuelle non enregistrés (v. supra), comme les droits d’auteurs ou les savoir-faire. Ce système permet aux indépendants comme aux entreprises de toutes tailles d’avoir accès à une preuve claire, mathématique, internationale et surtout, économique, le problème probatoire étant récurrent en pratique.
1 J. Azema, J.-C. Galloux, Droit de la propriété industrielle, Précis Dalloz, 7ème éd. 2012, §1. Pour une défense de cette conception primaire, v. J. Schmidt-Szalewski, La distinction entre l’action en contrefaçon et l’action en concurrence déloyale dans la jurisprudence, RTD com. 1994. 455 s.