On utilise souvent le terme de « copyright » ou le sigle © en France, alors même que dans ce pays de tradition civiliste, il n’existe aucun office de dépôt de droits d’auteur qui naissent d’ailleurs du seul fait de la création. Quelques lignes pour bien différencier ces notions.
La distinction est traditionnellement opérée entre copyright et droit d’auteur, c’est-à-dire entre pays de tradition civiliste (comme la plupart des Etats européens) et pays de common law comme le Royaume-Uni ou les Etats-Unis. Pourtant la Convention de Berne du 31 octobre 1988 visait notamment à rapprocher ces deux régimes. Une des raisons pour lesquelles copyright et droit d’auteur sont différents réside dans leur définition, puisque ces deux notions recouvrent des réalités différentes.
En France, le droit d’auteur naît sans formalités, du simple fait de la création de l’œuvre. Aux termes des articles L.121-1 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) et L.122-1 du même Code, l’auteur d’une œuvre dispose sur celle-ci de droits moraux et de droit patrimoniaux, droits qu’il est important d’examiner pour bien comprendre les différences entre droit d’auteur et copyright.
Les droits moraux découlant du droit d’auteur
Selon l’article L.121-1 CPI, l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. Ce droit moral a quatre caractéristiques : c’est un droit perpétuel (li demeure après l’extinction des droits pécuniaires), un droit inaliénable (l’auteur d’une œuvre ne peut pas renoncer à l’exercice de son droit moral), imprescriptible (tant que l’œuvre existe, le droit moral pourra être exercé) et insaisissable (ne peut être saisi pour payer les dettes de l’auteur par exemple).
Ce droit moral emporte quatre prérogatives :
Les droits patrimoniaux découlant du droit d’auteur
Les patrimoniaux de l’auteur se caractérisent par la propriété de ce dernier sur son œuvre. C’est la faculté d’exploiter par la représentation ou reproduction. C’est le droit de divulguer ou d’exploiter son œuvre moyennant une forme de rémunération. Ce droit patrimonial est limité dans le temps puisqu’il prend fin au bout d’une période de 70 ans à compter du 1er janvier suivant la mort de l’auteur ou du dernier coauteur ou à compter du jour de leur publication pour les œuvres anonymes, pseudonymes ou collectives.
Le droit patrimonial de l’auteur emporte plusieurs prérogatives, dont la première est le droit de représentation, défini à l’article 122-2 du CPI comme la possibilité pour l’auteur de communiquer ou faire communiquer son œuvre au public. Le droit de reproduction (article L.222-3 du CPI) consiste quant à lui en la possibilité pour l’auteur de faire autoriser la fixation matérielle de son œuvre sur tout support ou par tout moyen de son choix. Le droit de suite correspond pour les auteurs d’œuvres graphiques ou plastiques, au droit de disposer de la faculté inaliénable de participer au produit de la revente ultérieure de leur œuvre. Enfin, le droit de destination permet à l’auteur de faire respecter la destination initiale qu’il souhaitait donner à son œuvre.
On le voit, le droit d’auteur, dans sa conception française, protège la personne de l’auteur en lui conférant de nombreux droits protégeant ses intérêts. C’est là un des points majeurs de différence avec la notion de copyright, qui privilège la protection de l’œuvre plutôt que de l’auteur.
Le copyright (dont le symbole est « © »), est une notion de common law, et à ce titre, trouve majoritairement application dans les pays anglophones tels que l’Angleterre, l’Australie ou les Etats-Unis.
Il existe quelques différences majeures entre copyright et droit d’auteur. Ainsi, le copyright, contrairement au droit d’auteur qui ne nécessite aucune formalité d’enregistrement (v. supra), exige un dépôt auprès d’un office. L’auteur ne deviens alors titulaire des droits qu’après avoir déposé sa création, ce qui fait basculer le copyright du côté des droits de propriété intellectuelle enregistrés, au même titre que les brevets ou les marques.
Autre différence : le copyright ne connaît pas les droits moraux, mais seulement les droits patrimoniaux, ce qui est logique puisque ce système protège plus l’œuvre en tant que produit que le créateur lui-même. Conséquences pratiques : c’est le droit de la consommation ou la diffamation qui seuls peuvent fonder une action en réaction à la dénaturation d’une œuvre1.
Depuis la ratification de la Convention de Berne par les pays de common law, l’auteur issu d’un pays de tradition civiliste n’a plus à déposer son œuvre auprès d’un office pour qu’elle soit protégée. En effet, les principes de traitement national2 et de protection automatique3 s’appliquent désormais. Le sigle © (qui indique le dépôt) se révèle donc dépourvu de valeur juridique, mais pas d’utilité puisqu’il pourra permettre d’identifier l’auteur et empêche le contrefacteur de se prévaloir de la « contrefaçon de bonne foi ».
En théorie donc, le droit d’auteur dans sa conception française ne requiert pas de dépôt dans les pays de common law. En pratique toutefois, il reste très fortement conseillé de se plier à cette exigence. En effet, le titulaire français de droits d’auteur enregistrés sous copyright aux Etats-Unis pourra bénéficier du paiement de dommages et intérêts forfaitaires (les « statutory damages ») ainsi que du paiement des frais d’avocats. En revanche, si les droits d’auteur n’ont pas été enregistrés par copyright, l’auteur ne pourra, dans le cadre d’une action en contrefaçon, espérer toucher que des dommages et intérêt indemnisant le dommage réel subi, soit une somme bien inférieure (article 17 § 412 US Code). C’est une incitation très forte à l’enregistrement puisque ces sommes peuvent atteindre facilement les 100 000 dollars. Même si l’enregistrement d’un droit d’auteur n’est pas obligatoire pour les non-ressortissants américains (ou les non-ressortissants d’un Etat de common law), il est donc bien préférable de procéder tout de même à l’enregistrement.
Plus encore, la problématique se recentre ensuite autour de l’antériorité, qu’il faudra prouver. Il est pour ce faire possible d’utiliser des outils classiques (constat d’huissiers, croquis datés, etc…) ou des outils plus modernes comme la technologie Blockchain qui permet d’horodater de manière certaine et infalsifiable l’œuvre. Autre avantage : la Blockchain a un coût d’utilisation bien plus réduit. Bien sûr, il n’est pas question de remplacer tous les modes de preuve d’antériorité par cette technologie, mais une combinaison des différents moyens offre une protection très efficace.
1 Pour un constat plus pessimiste, v. Entre copyright et droit d’auteur : l’intégrité de l’oeuvre de l’esprit – Bernard Edelman – D. 1990. 295
2 Par lequel les droit reconnus dans un Etat signataire de la Convention de Berne doivent être reconnus dans les autres Etats signataires.
3 Par lequel la protection d’une œuvre n’est plus subordonnée à un dépôt auprès d’un office.