Quand agir en contrefaçon ?

Vincent Fauchoux
Par Vincent Fauchoux
Avocat au barreau de Paris et cofondateur du site BlockchainyouIp. Ancien président de l'association Cyberlex (2005- 2007), il est à l'origine des Rencontres annuelles du Droit de l'Internet.

Le principe : la prescription d'une action en contrefaction

L’action en contrefaçon n’est pas ouverte indéfiniment à la victime de la contrefaçon, mais est soumise à un délai au-delà duquel la prescription s’applique.

Deux lois sont récemment venues modifier les délais de prescription en matière de contrefaçon :

La loi du 11 mars 2014 harmonise désormais les délais de prescription de l’action civile en décidant de porter à 5 ans la prescription de l’ensemble des droits de propriété industrielle[1]. Ce délai s’aligne donc sur celui de l’action civile en matière de contrefaçon de droits d’auteur, à savoir, 5 ans à compter de la cessation de l’acte de contrefaçon.

En matière pénale, la loi du 27 février 2017 porte le délai de prescription pour les délits à 6 ans[2] (contre 3 auparavant). Le délai de prescription de l’action pénale en matière de contrefaçon est donc de 6 ans pour l’ensemble des droits de propriété intellectuelle, le point de départ restant identique.

Par exemple : Adèle agit avant la fin du délai de prescription

Adèle a créé un sac et a déposé le modèle correspondant simultanément.

Elle constate que ce sac est reproduit, sans autorisation, sur plusieurs catalogues de prêt-à-porter mis en ligne sur internet depuis plusieurs années et toujours en ligne à ce jour. La contrefaçon n’a donc pas cessé puisque les catalogues sont toujours en ligne.

Le délai de prescription n’a donc pas commencé à courir et elle peut agir devant le juge civil contre les sites internet en cause, alors même que la mise en ligne des catalogues a eu lieu il y a plus de trois ans.

Pour aller plus loin : la forclusion par tolérance

En matière de marque, il existe en plus de la prescription une règle particulière appelée la forclusion par tolérance (cf. supra).

En pratique, la victime d’une contrefaçon ne peut plus agir en contrefaçon d’une marque déposée postérieurement à la sienne s’il en a toléré l’usage pendant une durée de cinq années, l’impossibilité d’agir étant toutefois limitée aux produits et services dont l’usage a été constaté[3].

Dès lors, si le titulaire de la marque première avait effectivement connaissance du dépôt et de l’usage d’une marque seconde identique ou similaire et s’il l’a toléré pendant cinq années consécutives en ne s’y opposant pas par la voie judiciaire (une simple lettre de mise en demeure ne suffit pas par exemple), il ne pourra plus agir.

[1] Les articles suivants du CPI ont été modifiés en ce sens : L.511-10 et L.521-3 (dessins et modèles), L.611-8 et L.615-8 (brevets), L.622-3 (produits semi-conducteurs) et L.623-29 (certificats d’obtention végétale), L.712-6 et L.716-5 (marques).

[2] Article 8 du Code de procédure pénale : « L’action publique des délits se prescrit par six années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise. ».

[3] Article L.716-5 CPI.