Plusieurs types d’actions s’offrent à la victime de la contrefaçon, chacune d’elles répondant à une situation particulière.
1) La mise en demeure
La victime de la contrefaçon (ou son conseil) peut adresser au contrefacteur une mise en demeure de cesser les actes contrefaisants.
C’est la mesure la plus courante, la plus simple et la moins coûteuse à mettre en œuvre lorsque l’on est confronté à un cas de contrefaçon, dès lors, en tous cas, que l’activité contrefaisante est suffisamment limitée pour ne pas justifier l’engagement immédiat de frais de procédure judiciaire.
C’est notamment le cas lorsque la contrefaçon n’est pas encore réalisée, qu’elle ne concerne qu’un nombre limité de produits ou que le préjudice occasionné est limité.
Elle n’est cependant pas adaptée aux cas de contrefaçon de plus grande échelle, où la victime doit se ménager un effet de surprise afin de faire constater, par exemple par la voie de la saisie contrefaçon, l’ampleur des actes contrefaisants et du préjudice subi.
Avantages : facile à mettre en œuvre. Peut mettre fin aux actes de contrefaçon à moindre frais.
Inconvénients : inadaptée aux situations où l’effet de surprise est recherché.
En pratique, la lettre peut être rédigée directement par la victime de la contrefaçon ou par son avocat, selon l’effet souhaité.
Elle est toujours adressée en recommandé avec accusé de réception.
2) L’action pénale
La contrefaçon est un délit réprimé par une peine de 3 ans d’emprisonnement et une amende de 300.000 euros[1]. La victime de la contrefaçon a donc la possibilité d’engager son action sur le terrain pénal et de faire sanctionner le contrefacteur aux peines susvisées.
L’action pénale est mise en mouvement par la voie d’une plainte simple[2], le cas échéant par une plainte avec constitution de partie civile[3], si les faits justifient une instruction (c’est-à-dire une enquête complémentaire permettant de faire la lumière sur les cas les plus complexes).
Si les faits sont simples, l’action publique peut également être mise en mouvement par voie de citation directe, acte d’huissier par lequel la victime indique au contrefacteur qu’il doit se présenter à l’audience du tribunal correctionnel.
Si l’instruction permet de déterminer des charges suffisantes contre le contrefacteur supposé, l’affaire est renvoyée devant le tribunal correctionnel et jugée.
Des sanctions pénales sont prononcées et des sanctions civiles (dommages et intérêts alloués à la victime) peuvent s’y ajouter.
Avantages : obtenir la condamnation pénale d’un contrefacteur est un signal particulièrement fort permettant de prévenir la multiplication des actes illicites. La victime n’est pas contrainte de rechercher seule les preuves des actes illicites commis et bénéficie du travail du juge d’instruction.
Inconvénients : la procédure est longue, et n’est pas dirigée par la victime, mais par le ministère public. L’indemnisation est souvent moindre que devant les juridictions civiles. Le versement d’une consignation destinée à indemniser le prévenu au cas où la contrefaçon n’est pas retenue est souvent exigé. La preuve de la mauvaise foi du contrefacteur est exigée, alors qu’elle ne l’est pas devant le juge civil[4].
En pratique l’ensemble de ces actes peut être réalisé par la victime à condition de respecter les conditions de forme et de fond imposés pour chacun d’eux par le Code de procédure pénale. Ces conditions sont rappelées de manière synthétique à l’adresse http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/N263.xhtml. Il est fortement conseillé de faire appel à un avocat pour éviter toute difficulté, notamment d’ordre procédural.
3) L’action civile
La contrefaçon est un acte susceptible d’engager la responsabilité civile de son auteur.
La victime d’un acte de contrefaçon peut donc, si elle le souhaite, porter son action devant les tribunaux civils et obtenir la réparation du préjudice qu’elle a subi.
L’action civile en contrefaçon est portée devant les tribunaux de grande instance compétents[5], par voie d’assignation délivrée par un huissier de justice. La représentation par un avocat est obligatoire devant ces tribunaux.
A l’inverse des procédures de référés (cf. infra), les procédures au fond conduisent à des décisions définitives revêtues de l’autorité de la chose jugée (à défaut d’appel ou de pourvoi en cassation).
Avantages : la procédure est plus courte que devant les juridictions répressives et reste entre les mains des parties (alors qu’elle est sous le contrôle du juge d’instruction en matière pénale). L’indemnisation peut être conséquente, à condition d’être correctement étayée. Sauf cas particuliers, la procédure civile est préférée à la procédure pénale.
Inconvénients : la victime doit rapporter elle-même la preuve de la contrefaçon, sans l’aide du juge d’instruction.
3) Les procédures provisoires
Plusieurs types d’actions sont envisageables en fonction de la situation particulière de la victime.
Elle peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon[8].
La condition pour obtenir du juge qu’il prenne les mesures demandées est que les éléments de preuve apportés par la victime rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente. Ces éléments de preuve sont ceux qui sont raisonnablement accessibles à la victime.
Attention : lorsque les mesures prises sont ordonnées avant l’engagement d’une action au fond, la victime doit initier cette action dans un délai de vingt jours ouvrables ou de trente et un jours civils si ce délai est plus long à compter de la date de l’ordonnance[9]. A défaut, sur demande du défendeur et sans que celui-ci ait à motiver sa demande, les mesures ordonnées sont annulées, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés
En pratique, le juge des référés peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle de la victime supposée, ordonner la saisie ou la remise entre les mains d’un tiers des produits soupçonnés d’être contrefaisants pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux.
Il peut également accorder à la victime une provision lorsque l’existence de son préjudice n’est pas sérieusement contestable.
Enfin, si la victime justifie de circonstances de nature à compromettre le recouvrement des dommages et intérêts, le juge des référés peut ordonner la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers du prétendu contrefacteur, y compris le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs[10].
4) Combien de temps dure une action ?
En moyenne,
Adam, dirige une entreprise qui créé et commercialise des instruments d’écriture. Il a déposé un modèle fantaisiste de stylo bille à titre de modèle protégé. Il constate la commercialisation d’un stylo bille contrefaisant son modèle dans une boutique en France. Celle-ci dispose d’un stock très important et réalise de surcroit une campagne promotionnelle très active portant sur ce modèle, qui s’avère être la copie conforme du modèle d’Adam. Adam en fait l’acquisition avec l’aide d’un huissier dans le cadre d’un constat d’achat. ,
Afin d’empêcher la poursuite de ces actes de contrefaçon, Adam saisit avec l’aide de son avocat le juge des référés sur le fondement de l’article L.521-6 du CPI par voie de requête, hors la présence du contrefacteur, eu égard au préjudice irréparable qu’ entraînerait tout retard dans l’examen de l’affaire.
Le juge constatant la menace de ce préjudice irréparable et la vraisemblance de l’atteinte au droit de l’entreprise d’Adam sur son modèle, rend une ordonnance de référé interdisant à titre provisoire au contrefacteur la poursuite des actes allégués de contrefaçon ; les stylos bille ne peuvent ainsi plus être commercialisés.
Afin d’obtenir réparation du préjudice d’ores et déjà subi, Adam assigne ensuite le contrefacteur au fond, dans le délai réglementaire.
Les cas d’urgence dans les procédures au fond
Il peut arriver que la victime de la contrefaçon souhaite obtenir rapidement une décision au fond en considération de l’urgence.
Elle pourra alors opter, au lieu d’une assignation au fond simple (le délai moyen pour obtenir une décision du tribunal de grande instance se situant entre 12 et 18 mois), pour une assignation dite « à jour fixe », qui permet d’assigner le contrefacteur à une date déterminée avec l’autorisation du président du tribunal (saisi au préalable par voie de requête).
Le délai moyen pour obtenir une décision est alors raccourci à 6 à 8 mois.
[1] Articles L.335-2 (droit d’auteur), L.521-10 (dessin et modèle), L.615-14 (brevet), L.716-10 (marque) du CPI ; ces peines peuvent être augmentées dans certains cas particuliers, et notamment lorsque le délit est commis en bande organisée (5 ans d’emprisonnement et 500.000 euros d’amende) ou dans certains types de contrefaçon / usage illicite de marques (4 ans et 400.000 euros d’amende). Les peines sont enfin doublées en cas de récidive.
[2] Adressée au procureur de la République ou déposée directement auprès des services de police ou de gendarmerie.
[3] Adressée au doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance compétent. Elle fait obligatoirement suite à une plainte simple classée sans suite ou à laquelle le plaignant n’aura pas obtenu de réponse dans un délai de trois mois (article 85 du code de procédure pénale).
[4] La question est toutefois discutée en matière de marques.
[5] Voir question « Qui saisir ? »
[6] Sur le fondement des articles 808 et 809 du Code de procédure civile. Le référé existe également en matière pénale, sur le fondement de l’article 5-1 du Code de procédure pénale.
[7] Articles L.521-6 (dessins et modèles) et L.716-6 du CPI (marques). A noter que ces mesures peuvent être ordonnées sur requête, donc hors la présence du contrefacteur, « lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur ».
[8] La juridiction peut subordonner l’exécution des mesures qu’elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du défendeur si l’action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou les mesures annulées.
[9] A ne pas confondre avec le délai suivant la saisie contrefaçon, qui court à compter de la saisie.
[10] Pour déterminer les biens susceptibles de faire l’objet de la saisie, elle peut ordonner la communication des documents bancaires, financiers, comptables ou commerciaux ou l’accès aux informations pertinentes.