La contrefaçon étant de nature à la fois civile et pénale, les sanctions encourues par le contrefacteur sont les suivantes.
1) Les sanctions pénales
Elles sont de deux ordres : les peines principales (emprisonnement et amende) et les peines complémentaires.
a) les peines d’emprisonnement: la contrefaçon est punie d’un maximum de 3 ans de prison, portés à 5 ans en cas de délit commis en bande organisée, six en cas de récidive.
b) les peines d’amende: la contrefaçon est punie d’un maximum de 300.000 euros d’amende, portés à 500.000 en cas de délit commis en bande organisée, et 600.000 en cas de récidive[1]. A noter que les personnes morales encourent le quintuple de cette amende.
c) les peines complémentaires :
A noter que ces sanctions complémentaires, à l’exception de la fermeture, peuvent être prononcées par le juge pénal comme par le juge civil[6].
2) Les sanctions civiles
Les sanctions civiles sont de deux ordres : la cessation des actes illicites et la réparation desdits actes.
a) La cessation des actes illicites : c’est un objectif fondamental de l’action en contrefaçon ; le titulaire de droits de propriété intellectuelle doit rétablir l’exclusivité qu’il détient sur ses droits et dont il est seul gestionnaire. Le juge ordonnera donc, à la demande de la victime, que les actes de contrefaçon cessent pour l’avenir.
b) La réparation du préjudice subi : c’est l’autre objectif fondamental de l’action en contrefaçon. Si les actes illicites cessent pour l’avenir, il faut également que la victime soit replacée dans l’état dans lequel elle se trouvait avant la commission de ces actes de contrefaçon. Cela se réalise par l’allocation à la victime de la contrefaçon de dommages et intérêts, ainsi que par des mesures de réparation en nature.
1. Les dommages et intérêts : Le préjudice subi est réparé en premier chef par l’allocation de dommages et intérêts, qu’il convient de quantifier. En pratique, deux types de préjudice sont examinés par le juge :
Pour déterminer ce dernier, la méthode retenue la plupart du temps consiste à évaluer dans un premier temps la masse contrefaisante (à savoir le nombre de produits contrefaisants commercialisés) et à multiplier ce nombre par la marge brute réalisée par la victime de la contrefaçon. On obtient ainsi le bénéfice qu’aurait dû réaliser la victime de la contrefaçon.
La prise en compte de nouveaux critères :
Les juges doivent pour fixer les dommages et intérêts prendre en considération « les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la victime, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l’atteinte » [7].
Il est donc possible de demander aux juges de réévaluer leur appréciation traditionnelle du préjudice subi en fonction de ces critères, ce qui peut conduire à une augmentation des dommages et intérêts alloués.
Depuis la loi du 11 mars 2014 il est précisé que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction doit prendre en compte ces postes de préjudice de manière distincte.
La possibilité d’une évaluation alternative, forfaitaire :
Sur demande de la victime, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte[8].
Depuis la loi du 11 mars 2014, la formule précise que cette somme n’est pas exclusive de la réparation du préjudice morale.
2. Les mesures de réparation en nature:
Ces mesures ont déjà été détaillées dans la partie consacrée aux peines complémentaires. Pour mémoire, ce sont les mesures suivantes :
les mesures de confiscation et de destruction des produits contrefaisants: on rappellera la spécificité des mesures en matière de droit d’auteur, où la loi prévoit spécifiquement que le juge peut ordonner la confiscation des recettes procurées par la contrefaçon au profit de la victime de la contrefaçon ;
les mesures de publication: le jugement peut être publié dans la presse, ou encore sur des sites internet, dans des conditions déterminées par le juge[9].
Julie a créé un bracelet avec des pierres précieuses qui est original et protégé par un droit d’auteur. Ce bracelet est habituellement vendu 2000 euros. Elle réalise pour chaque bracelet vendu une marge de 1000 euros.
Elle constate qu’une copie conforme de ce bracelet est vendue à grande échelle dans une boutique parisienne et sur un site de vente en ligne, au prix cassé de 100 euros.
Avec son avocat, elle assigne le contrefacteur devant le tribunal de grande instance de Paris, au civil, sur le fondement de la contrefaçon de droit d’auteur.
Il a réussi à déterminer que la boutique avait vendu près de 1000 bracelets , que 1000 autres étaient encore en stock et que la demande tendait à s’essouffler en raison de l’étendue de la promotion et des ventes réalisées par le contrefacteur.
Julie demande donc au juge :
Pour déterminer plus précisément le préjudice subi et présenter une évaluation convaincante de celui-ci au juge, la victime de la contrefaçon dispose depuis la loi du 29 octobre 2007 (améliorée et clarifiée par la loi du 11 mars 2014) d’un nouveau droit, dit droit d’information[10].
En pratique, si la demande lui en est faite, le juge saisie d’une action judiciaire (civile) peut ordonner, au besoin sous astreinte, la production de tous documents ou informations détenus par le contrefacteur supposé ou par toute personne qui a été trouvée en possession des produits contrefaisants ou a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits, et permettant de déterminer l’origine et les réseaux de distribution des marchandises et services qui portent atteinte aux droits du demandeur.
Depuis la loi du 11 mars 2014, la communication de documents peut être ordonnée par la juridiction saisie au fond ou en référé. Le législateur a pris le soin de remplacer le mot « contrefaisant » par les termes « argués de contrefaçon » afin de tenir compte du fait qu’au moment où ce droit est exercé, la contrefaçon n’a pas encore été reconnue par une juridiction.
C’est surtout le type d’informations pouvant être obtenues qui est modifié puisque la loi abroge les alinéas qui dressaient la liste des documents. Désormais, les juridictions pourront ordonner la communication de tout type de documents sans être encadrées par une liste.
[1] Articles L.335-2 (droit d’auteur), L.521-10 (dessins et modèles), et L.716-10 (marques). En matière de marques, on relèvera les incriminations spécifiques de l’article L.716-9, qui vise les actes d’exploitation d’une marque contrefaisante en vue de la vente de produits portant cette marque, et qui porte les peines à 4 ans d’emprisonnement et 400.000 euros d’amende.
[2] Articles L.335-6 (droit d’auteur), L.521-11 (dessins et modèles) et L.716-13 (marques).
[3] Articles L. 335-6 (droit d’auteur), L.521-11 (dessins et modèles) et L.716-15 (marques).
[4] Articles L. 335-5 (droit d’auteur), L.521-10 (dessins et modèles) et L.716-11-1 (marques).
[5] Articles L.335-6 (droit d’auteur), L.521-11 (dessins et modèles) et L. 716-13 (marques).
[6] Expressément prévu en matière de droit d’auteur (article L.331-1-4) et de dessins et modèles (article L.521-8).
[7] Premier alinéa des articles L.331-1-3 (droit d’auteur), L.521-7 (dessins et modèles) et L.716-14 (marques)
[8] Second alinéa des articles L.331-1-3 (droit d’auteur), L.521-7 (dessins et modèles) et L.716-14 (marques)
[9] A noter que la victime doit fixer dans ses demandes le coût maximum de ces insertions de presse, le juge n’ayant pas ce pouvoir.
[10] Articles L.331-1-2 (droit d’auteur), L.521-5 (dessins et modèles) et L.716-7-1 (marques).