Le demandeur à l’action en contrefaçon est, le plus souvent, le titulaire du droit concerné, à savoir, l’auteur, le propriétaire de la marque (indiqué dans le dépôt) ou le propriétaire du dessin ou modèle enregistré (également indiqué au dépôt).
Toutefois, d’autres intervenants peuvent se joindre à l’action du demandeur, voire, le cas échéant, agir seul contre le contrefacteur.
1) Le cessionnaire du droit
Le cessionnaire du droit de propriété intellectuelle peut agir en justice pour défendre ses droits. Des nuances existent toutefois selon les droits concernés :
a) en matière de droit d’auteur, le cessionnaire de l’auteur (par exemple, la maison de couture) est investi des droits patrimoniaux de cet auteur, à l’exclusion de son droit moral. Il pourra donc agir pour défendre lesdits droits patrimoniaux et sera même seul à pouvoir agir si le contrat lui transfère les droits d’auteur à titre exclusif[1].
b) en matière de marque, le cessionnaire de la marque en devient le propriétaire exclusif. Il est donc seul à pouvoir agir. Pour ce faire, il est impératif que la cession soit inscrite au Registre national des marques. A défaut, le cessionnaire ne peut pas agir.
c) en matière de dessins et modèles, le cessionnaire du dessin ou du modèle en devient le propriétaire exclusif. Il est donc seul à pouvoir agir. Pour ce faire, il est impératif que la cession soit inscrite au Registre national des dessins et modèles. A défaut, le cessionnaire ne peut pas agir.
2) Le licencié
Le cas du licencié est un peu plus complexe et nécessite de distinguer selon que la licence a été consentie à titre exclusif ou non.
a) en matière de dessins et modèles et de marques, la situation est clairement exprimée par la loi : si toute partie a un contrat de licence (licencié et concédant) peut intervenir dans une instance en contrefaçon engagée par une autre partie afin d’obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre, en revanche, seul le licencié exclusif peut agir en contrefaçon (sauf stipulation contraire du contrat) si, après mise en demeure, le titulaire n’exerce pas ce droit[2].
En pratique, cela signifie que le licencié exclusif peut agir en contrefaçon et intervenir à l’action engagée par le titulaire de la marque, du dessin ou du modèle, alors que le licencié non exclusif ne peut que se joindre à l’action déjà engagée par ce titulaire. Par conséquent, faute d’action du titulaire, le licencié exclusif conserve une voie de recours alors que le licencié non exclusif en est privé.
L’inscription de la licence au Registre national des marques ou au Registre national des dessins et modèles n’est pas une condition de recevabilité de l’intervention du licencié[3].
b) en matière de droit d’auteur, la situation est moins claire, la loi ne prévoyant pas ce cas spécifiquement[4]. On s’accorde en général pour appliquer la même distinction qu’en matière de marques et de dessins et modèles, selon que la licence est ou non consentie à titre exclusif.
3) Les autres intervenants
En matière de droit d’auteur, peuvent intervenir les sociétés de gestion collective, pour la défense de l’intérêt collectif de la profession qu’elles représentent, ou encore certains organismes de défense professionnelle (syndicats, ordres, etc.)[5]
Hélène a créé un imprimé protégé par un dessin et modèle enregistré. Elle a confié l’exploitation de cet imprimé, en licence exclusive, à un grand groupe de luxe ABCD. Le concédant et le licencié découvrent qu’un tissus présentant quelques ressemblances avec le sien est commercialisé dans une boutique parisienne.
Hélène estime que, vu la faible importance de cette commercialisation et l’absence de ressemblances flagrantes entre les deux motif s, elle ne veut pas agir. Ce n’est cependant pas l’avis de son licencié.
S’agissant d’un licencié exclusif, ABCD met en demeure Hélène d’agir, ce que cette dernière refuse.
ABCD peut donc agir contre le contrefacteur devant le tribunal compétent, seul, et sans difficulté puisqu’il aura pris le soin de vérifier auparavant que la licence est bien inscrite au Registre national des dessins et modèles.
La personne morale qui exploite sous son nom la création originale protégée par un droit d’auteur peut agir en contrefaçon.
Cette situation, spécifique au droit d’auteur, est très utile en pratique. Elle correspond à la situation dans laquelle la création est exploitée par une société (personne morale).
En principe, pour pouvoir agir et défendre sa création contre les contrefacteurs, elle devrait prouver qu’elle est bien titulaire des droits d’auteur y afférents (par exemple, en prouvant qu’elle en est cessionnaire ou titulaire depuis l’origine via le mécanisme de l’œuvre collective).
Cette preuve étant parfois complexe, les juges ont créé au bénéfice de ces sociétés une présomption de titularité[6] ; concrètement, cela signifie que la société qui agit en contrefaçon est présumée titulaire des droits d’auteur afférents à la création qu’elle exploite sous son nom, en l’absence de revendication judicaire de l’auteur de la création en cause.
Elle évite donc la plupart du temps d’avoir à rapporter la preuve du fait qu’elle est titulaire de ces droits.
[1] Sauf à ce que l’auteur se soit réservé expressément la possibilité d’agir conjointement.
[2] Articles L.521-2 (dessins et modèles) et L.716-5 (marques).
[3] Article L. 714-7 in fine.
[4] La seule indication concerne les droits voisins du droit d’auteur, l’article L.331-1 prévoyant que le licencié exclusif d’un droit voisin du producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes pouvait, sauf clause contraire, agir en contrefaçon.
[5] Articles L.331-1 et L.321-1 al.2.
[6] Jurisprudence initiée par un arrêt « Aréo » du 24 mars 1993 (Cour de cassation, 1ère chambre civile).