La création est, à l’origine, la propriété de son auteur, qui dispose donc de droits de propriété intellectuelle sur sa création.
Il est possible, et même fréquent, que coexistent pour une même œuvre des propriétaires des droits de propriété matérielle et des titulaires des droits de propriété intellectuelle. Ainsi :
1) si cette création (en tant qu’objet incorporel) est vendue à un tiers, le créateur transfère à l’acquéreur les droits de propriété matérielle de la création, mais cela n’a pas pour effet d’emporter du même coup la cession des droits d’auteur, qui restent la propriété du créateur. C’est la raison pour laquelle la propriété matérielle d’une création est indépendante de la propriété intellectuelle afférente à cette création[1].
2) les droits de propriété intellectuelle ne peuvent être cédés qu’à la condition de respecter un certain nombre de règles strictement définies par le Code de la propriété intellectuelle. En particulier, la cession des droits de l’auteur doit comporter au profit de l’auteur une participation proportionnelle aux recettes provenant de l’exploitation de sa création et la cession des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que l’acte de cession comprenne la mention expresse[2] :
a) de chacun des droits cédés;
b) du domaine d’exploitation de ces droits, défini précisément quant à :
On renverra à la partie consacrée à la gestion des contrats pour plus de détails sur ce point (cf. infra).
C’est le titulaire des droits d’auteur, qu’il soit auteur et à ce titre propriétaire initial de ces droits, ou le cessionnaire de l’auteur, qui peut déposer la création par l’une des méthodes envisagées plus haut (par exemple, par le biais d’un constat d’huissier si le propriétaire des droits choisit la protection par le seul droit d’auteur ou par le biais d’un dépôt de modèle à l’INPI si le propriétaire des droits choisit la protection par le droit des dessins et modèles enregistrés).
JC dirige une entreprise spécialisée dans la création d’accessoires de mode (sacs notamment) et emploie une styliste dont la mission a été de créer la collection P/E 2017.
Le contrat de travail de cette styliste prévoit expressément la cession des droits d’auteur afférents aux créations qu’elle réalisera dans le cadre de cette collection au profit de JC, conformément aux dispositions du Code de la propriété intellectuelle.
Les droits d’auteur afférents aux modèles de cette collection naissent donc « sur la tête » de la styliste et sont immédiatement cédés, par l’effet du contrat de travail qui comprend la clause de cession de droits adéquate, à JC. Celui-ci, fort de sa titularité sur ces droits d’auteur, fait réaliser des constats d’huissier sous son nom afin de donner une date certaine à l’ensemble des modèles de sacs créés.
Lorsque plusieurs personnes interviennent dans la création d’une œuvre, trois situations peuvent se présenter :
1) le cas des œuvres collectives:
Dans cette hypothèse, c’est une personne, physique ou morale, qui prend l’initiative de créer l’œuvre, qui l’édite, la publie et la divulgue sous son nom, et qui dirige la conception de l’ensemble dans lequel se fondent les diverses contributions selon un mode de réalisation vertical (par opposition aux œuvres de collaboration)[3].
Dans cette situation, les droits d’auteur appartiennent à cette personne (en quelque sorte le promoteur de l’œuvre), qui peut donc seule décider des modalités d’exploitation de l’œuvre[4]. C’est un schéma très courant dans l’industrie de la mode.
2) le cas des œuvres de collaboration:
Dans cette hypothèse, plusieurs personnes concourent à la création de l’œuvre, ayant travaillé de façon concertée, à chaque étape, en vue de la conception de l’œuvre et ayant chacune fourni un apport créatif[5] ; c’est un mode de conception « horizontal » de l’œuvre.
Les droits d’auteur relatifs à l’œuvre de collaboration appartiennent à l’ensemble des auteurs ayant collaboré à la conception de l’œuvre. C’est la raison pour laquelle les décisions afférentes à l’exploitation de l’œuvre ou à sa défense ne pourront être prises qu’avec l’accord de tous les coauteurs, selon le régime de l’indivision[6]. Ce schéma est relativement rare dans le domaine de la mode.
3) le cas des œuvres composites(ou dérivées) :
Dans cette hypothèse, une œuvre est réalisée à partir d’une autre, qui lui préexiste. C’est une adaptation de l’œuvre première, par l’incorporation dans un nouvel ensemble de certains de ses éléments de forme, sans que l’auteur de cette œuvre première ne collabore à la réalisation de l’œuvre seconde.
Les droits d’auteur sur l’œuvre seconde appartiennent alors à son auteur, sous réserve des droits de l’auteur de l’œuvre première.
Concrètement, pour pouvoir exploiter son œuvre, l’auteur de l’œuvre dérivée devra disposer de l’autorisation de(s) l’auteur(s) de l’œuvre première. Ce schéma peut se rencontrer dans les cas de « customisation » de produits « vintages » existants.
[5] Article L.113-2 du CPI. Par exemple, est une œuvre de collaboration la chanson dont les paroles sont écrites par un auteur et la musique par un autre.
[6] Article L.113-3 du CPI. L’action en justice suppose ainsi la mise en cause de tous les auteurs par le coauteur qui souhaite agir en contrefaçon.