1) Les formalités
Le dépôt d’une demande d’enregistrement[1] est une formalité préalable et nécessaire à la protection du dessin ou modèle par les dispositions du livre V, I et III du Code de la propriété intellectuelle, qui permet également de conférer une date certaine à la création.
La demande d’enregistrement se fait auprès de l’INPI ou auprès du greffe du tribunal de commerce du domicile du déposant par pli postale recommandé. La possibilité d’un dépôt en ligne de la demande de protection est également ouverte sur le site de l’INPI. La demande écrite est alors faite sur les formulaires papier ou électroniques de l’INPI.
Le prix d’un dépôt est constitué d’une part par une somme forfaitaire de 39 € pour une protection de 5 ans[2] et d’autre part d’une redevance complémentaire de 23 € par reproduction fournie en noir et blanc ou de 47 € par reproduction en couleur.
La demande de dépôt doit comporter deux reproductions de chaque dessin ou modèle.
Le déposant doit payer la redevance complémentaire sur l’ensemble des dessins et modèles visés dans le dépôt.
Le coût d’un dépôt dépendra donc non seulement de la durée de la protection choisie, mais également du nombre de dessins et modèles visés au dépôt.
2) La publication du dessin ou modèle est immédiate, sauf si un ajournement est demandé par le déposant
Dans le cadre d’un dépôt classique, la publication au BOPI est immédiate.
Le déposant peut néanmoins solliciter un ajournement, qui permet de différer la publication de trois ans (dans l’intervalle, l’ensemble du dépôt demeure secret ce qui permet de ne pas divulguer la création avant son lancement[3]).
Le déposant peut à tout moment renoncer à l’ajournement notamment après la divulgation et la commercialisation du modèle, ou lorsqu’il a besoin de défendre ses droits devant les tribunaux.
Au terme du délai d’ajournement, la publication de tous les dessins et modèles inscrits au dépôt intervient automatiquement.
3) La procédure de dépôt simplifié
En matière de dessins et modèles, l’INPI a mis en place une procédure de dépôt dite « simplifiée », destinée aux industries réalisant un grand nombre de dépôts[4].
Dans le cadre du dépôt simplifié, la durée de la protection est ramenée à trois ans, durée pendant laquelle un ajournement de la publication est obligatoirement observé. Dans les six mois qui précèdent l’expiration du délai de trois ans, le déposant peut renoncer au secret et demander à l’INPI la publication des modèles qu’il estime nécessaire de protéger pour une période plus longue contre paiement d’une redevance complémentaire (il dispose donc d’un délai de 30 mois pour demander la publication de tout ou partie de ses dessins et modèles).
Passé ce délai, les dessins et modèles dont la publication n’a pas été demandée seront déchus.
La demande de dépôt simplifiée ne doit comporter qu’un seul exemplaire de chaque dessin et modèle (le prix de la redevance complémentaire est donc inférieure à celle due dans le cas d’un dépôt normal).
En pratique, cette procédure offre au déposant une présentation plus libre du dépôt (la seule exigence étant de présenter le dessin ou le modèle sur un fond neutre au format A4).
4) L’identification du déposant
Quelle que soit la forme du dépôt choisie, la demande de dépôt devra comporter l’identification du déposant (ou de son mandataire), les informations sur les dessins ou modèles déposés, ainsi qu’une reproduction des dessins et modèles (la forme variera également en fonction du type de dépôt choisi : exigences allégées pour un dépôt simplifié).
Un maximum de 100 dessins ou modèles pourra figurer sur un seul formulaire de dépôt.
Les dessins ou modèles figurant sur un même formulaire doivent tous appartenir à la même classe de produits (ainsi le même dépôt peut désigner des sous-vêtements, des cravates et des chaussures : classe 2, mais ne peut désigner des accessoires de bagagerie et des bijoux qui relèvent de classes différentes classes 3 et 11). Les catégories de produits sont définies par la classification internationale de Locarno
Ce dépôt lorsqu’il est reconnu conforme est publié au BOPI. Cette publication vaut enregistrement et emporte octroi de la protection offerte par le droit des dessins et modèles.
JC remplit un formulaire de dépôt normal et y joint des reproductions couleur de son sac et des deux modèles de portefeuilles créés en mai 2017. Ces créations doivent être présentées au public lors d’un défilé prévu en septembre 2017.
Il décide de protéger ses modèles pour une durée de 10 années et les dépose à l’INPI en juin 2010.
JC doit donc verser une redevance de (38+52=) 90€ pour un titre d’une validité de 10 ans et de (deux reproductions couleur de chacune des trois créations : 47×6 =) 282 € au titre de la redevance complémentaire, soit un total de 372 €.
Il prend le soin de demander l’ajournement de la publication au BOPI, dont il demandera la suspension après le défilé qui aura lieu quelques mois plus tard.
1) La nécessité de déposer le dessin ou modèle avant de le divulguer
La divulgation effectuée par le créateur lui-même constituerait un obstacle au dépôt.
Il convient dès lors, dans la mesure du possible, de ne pas exposer, utiliser ou commercialiser les produits qui résultent de dessins et modèles avant leur dépôt (dans le cas contraire, le créateur pourra néanmoins procéder au dépôt dans un délai de 12 mois à compter de la divulgation – cf. infra).
2) Une recherche d’antériorités potentiellement difficile
La recherche d’antériorités afin de déterminer la nouveauté du dessin ou modèle est particulièrement délicate dans la mesure où une antériorité pertinente peut exister, même si elle n’a pas été déposée à titre de dessin ou modèle.
Il appartient donc au juge saisi d’une demande en nullité de l’enregistrement, d’apprécier la validité des dessins et modèles enregistrés par l’INPI, la charge de la preuve reposant sur le demandeur en annulation de l’enregistrement.
3) La détermination du titulaire des droits
Le titulaire des droits sur le(s) dessin(s) ou modèle(s) déposé(s) est le ou les déposant(s).
Toutefois, les personnes morales qui exploitent ce modèle bénéficient d’une présomption de titularité selon laquelle en l’absence de revendications de la part des personnes physiques qui ont créé l’œuvre, les actes d’exploitation de cette œuvre sous le nom de la personne morale sont de nature à faire présumer qu’elle est titulaire des droits patrimoniaux sur cette œuvre, à l’égard des tiers contrefacteurs, que la personne morale qui exploite ladite œuvre est titulaire des droits patrimoniaux sur celle-ci[5].
4) Les dessins et modèles communautaires non enregistrés (DCMNE)
Selon la durée de vie estimée du modèle, l’étendue de la commercialisation envisagée, plusieurs options s’ouvrent à l’entreprise. Elle peut faire le choix de ne procéder à aucun enregistrement et bénéficier d’une protection « par défaut » pour une durée de trois ans au titre des DCMNE, si tant est que les dessins et/ou modèles répondent aux critères de protection (nouveauté et caractère propre) et ont été divulgués sur le territoire de l’Union Européenne.
Cette protection ne protège la création industrielle que contre les reproductions à l’identique. Elle présente cependant l’avantage de conférer une protection européenne sans enregistrement. Ici encore, la protection concerne au premier chef les créations d’industries saisonnières dont le renouvellement rapide rend inutile et trop couteuse une protection par enregistrement. Si le modèle est produit pour une certaine durée et/ou a nécessité des investissements conséquents, il ne serait pas prudent de se limiter à une protection par les DCMNE.
Il faut donc limiter les intérêts des DCMNE face aux dessins et modèles enregistrés.
[1] Auprès de l’INPI lorsque le déposant à son siège social à Paris ou hors de France ou auprès du greffe du tribunal de commerce dans lequel est établi le siège social de l’entreprise dans les autres cas.
[2] Un première demande de prorogation peut être formulée dès le premier dépôt, de sorte que le dessin ou modèle sera directement protégé pour une période de 10 ans : le prix de ce dépôt est alors de 38 + 52 = 90 €, frais de reproduction non inclus
[3] Article R. 512-10
[4] Article L 512-2 in fine du Code de la propriété intellectuelle : lorsque « les dessins et modèles relevant d’industries qui renouvellent fréquemment la forme et le décor de leurs produits »
[5] Cass. 1re civ., 24 mars 1993, RTD com. 1995, p. 418,