Afin de protéger sa marque, le titulaire doit veiller à renouveler les dépôts dans les délais et conditions requises, à exploiter la marque et à la défendre contre les usages non autorisés.
La durée initiale de protection d’une marque est de 10 ans, mais peut être prorogée indéfiniment à condition :
La déclaration de renouvellement, lorsqu’elle est régulière, fait courir un nouveau délai de 10 ans, à compter de l’expiration de la période précédente.
Il est essentiel que le titulaire de la marque exploite celle-ci, car il s’expose à défaut, à une action en déchéance de la marque formée par un tiers (cf. supra).
La passivité du titulaire de la marque peut également mener à une déchéance de ses droits dans l’hypothèse d’une dégénérescence. L’article 714-6 énonce que le propriétaire d’une marque encourt la déchéance de ses droits lorsque cette marque devient, de son fait, la désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service.
Pour qu’une marque dégénère, il faut donc que son titulaire commette une faute d’inaction en laissant le public employer la marque comme terme usuel, ou qu’il ait lui-même utilisé sa marque comme la désignation usuelle du produit[1]. C’est pourquoi, par exemple, Google s’est battu pour faire retirer des dictionnaires le verbe « to google » afin d’éviter toute dérive banalisante.
Lorsque le titulaire de la marque ne s’oppose pas aux utilisations qui peuvent être faites sans son autorisation par des tiers, il risque de se voir déchu de ses droits sur la marque[2].
La dégénérescence d’une marque intervient quand celle-ci devient du fait de son propriétaire, la désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service.
Tel a été le cas des marques Frigidaire, Pédalo, Bikini, Fermeture Eclair, Alcotest, Esquimau etc. qui sont devenues dans le langage courant, la désignation usuelle des produits qu’ils désignaient, alors même qu’elles étaient parfaitement arbitraires au moment de leur dépôt.
Il est donc essentiel que le titulaire d’une marque veille à ce que le signe ne soit pas utilisé dans un sens générique par le public et les concurrents.
S’il découvre des utilisations non autorisées, il doit alors s’opposer à toute utilisation par des tiers qui pourraient affaiblir le caractère distinctif de sa marque, notamment par le biais de la mise en demeure puis de l’action en contrefaçon.
Si le titulaire d’une marque tolérait l’enregistrement et l’usage d’une marque pendant une durée de 5 années, il perdrait le droit d’agir en contrefaçon à l’encontre du titulaire de la marque postérieure, après un délai de 5 ans (article L 716-5 alinéa 4)[3].
Le propriétaire d’une marque devenue de son propre fait de nature à induire le public en erreur sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service, encourt le risque de se voir déchu de ses droits (La marque pourrait à titre d’exemple être devenue trompeuse à la suite d’une modification de la composition des produits).
JC, jeune créateur parisien, a créé un modèle de sac en 2008 et a décidé de le commercialiser en France sous la marque semi figurative « JibesaC » (deux dépôts ayant été effectués afin d’étendre la marque à d’autres classes de produits et services).
Après plus de 9 ans d’exploitation, son sac à tant de succès qu’il est devenu la référence en matière de sacs de cette forme.
JC pense à renouveler la première de ces marques, dont l’échéance approche.
Il constate que des tiers (magazine de mode, revendeurs), commencent à utiliser la marque « Jibesac » pour désigner les sacs à bandoulière.
Il adresse immédiatement des mises en demeure à ces personnes, leur enjoignant de cesser leurs agissements, rappelant que ceux-ci constituent des actes de contrefaçon et se prépare à engager les actions judiciaires nécessaires, au cas où ces derniers refusent de se conformer aux termes de la mise en demeure[4].
Enfin, un proche de JC lui apprend qu’un de ses concurrents envisage de déposer la marque « GibsaC » pour commercialiser des sacs à dos.
JC découvre que la marque a déjà été enregistrée en 2016 et en déduit qu’il ne peut plus former opposition.
Il décide donc d’assigner le titulaire de la marque devant le Tribunal de grande instance compétent, en se fondant sur la première de ses marques (déposée en 2008), afin de bénéficier de la plus grande antériorité.
L’annulation d’une marque pour déchéance ne produit ses effets qu’à compter de la date à laquelle elle est prononcée (à la différence d’une annulation pour défaut de caractère distinctif, qui est rétroagit à la date de l’enregistrement).
En conséquence, une personne peut être jugée responsable de faits de contrefaçon, alors même que la marque a été annulée, si ces faits ont été commis entre la date du dépôt de la marque et la date à laquelle le jugement prononçant la déchéance a été rendu.
[1] Le titulaire de la marque LA PIERRADE a fait preuve d’une vigilance réelle et suffisante afin d’éviter que sa marque ne devienne un terme usuel pour désigner dans le commerce des articles de cuisson. Elle a obtenu des condamnations en contrefaçon par de nombreuses décisions de justice réparties dans le temps, a adressé des mises en demeure aux sociétés utilisant sa marque, a poursuivi avec une certaine rigueur les plus gros distributeurs ou revendeurs d’appareils d’électroménagers et a communiqué régulièrement sur sa marque (Cass. Com., 18 mai 2010, La Pierrade, PIBD 2010.III.487).
[2] Article L 714-6 du Code de la propriété intellectuelle
[3] Cette irrecevabilité ne concerne que les produits pour lesquels la marque postérieure a été enregistrée
[4] Les mises en demeure permettent rarement d’obtenir un dédommagement financier permettant de réparer le préjudice subi