Le droit des marques a dû s’adapter au développement d’Internet. Ce développement a engendré de nouveaux usages de la marque, mais aussi de nouvelles formes d’atteintes.
La liberté d’expression limite la possibilité du titulaire de marque de s’opposer à l’usage de son signe sur Internet, et les abus de la liberté d’expression sont sanctionnés par d’autres dispositions légales que par le droit de la propriété intellectuelle.
Le droit des marques défend les seules atteintes à la fonction de la marque, en premier lieu, à sa fonction de garantie d’origine des produits et services. Le monopole accordé au titulaire d’une marque est donc limité à un usage « dans la vie des affaires ».
Sur Internet, la citation d’une marque à titre informatif[1], ou ayant pour but de la détourner[2] ne constitue pas une contrefaçon puisque cet usage ne se situe pas dans la vie des affaires. Même lorsque l’usage se situe dans la vie des affaires, la citation sur Internet de la marque d’autrui n’est pas forcément condamnable si elle ne tend pas à désigner sous le signe concerné les produits et/ou les services.
Elle est encore autorisée dans le cadre de la publicité comparative.
Le lien hypertexte reproduisant la marque d’un tiers ne sera constitutif d’une contrefaçon que s’il pointe vers un site Internet proposant une offre commerciale portant sur des produits et services identiques ou similaires à ceux visés par la marque[3].
L’emploi de la marque d’autrui comme balise méta-tag est plutôt susceptible de relever d’un fait de concurrence déloyale[4] s’il est le fait d’un concurrent, voire de parasitisme[5] en l’absence d’un lien de concurrence mais en présence d’une marque renommée.
Afin de gagner en visibilité, il est devenu courant d’acheter des mots-clés enregistrés comme marque par des tiers, voire des concurrents. Ce système génère des conflits entre titulaires de marques d’une part, annonceurs et moteurs de recherche, d’autre part.
La Cour de Justice de l’Union Européenne a considéré que la responsabilité des moteurs de recherche ne pouvait pas être engagée sur le fondement de la contrefaçon. En revanche, les annonceurs peuvent être condamnés sur ce fondement, à condition de caractériser l’usage de la marque « dans la vie des affaires » pour des produits et services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée. Ce n’est que lorsque ces conditions sont réunies qu’un tel usage porte atteinte aux fonctions de la marque et notamment à la fonction d’identification de l’origine des produits et/ou services.
A contrario, si l’annonce vers laquelle pointe le lien sponsorisé ne fait pas mention de la marque du titulaire et renseigne clairement le public sur l’identité de l’annonceur et de ses produits et services, la contrefaçon ne sera pas caractérisée[6].
La jurisprudence française a intégré la solution de la CJUE[7].
La solution est déclinée pour les places de marché en ligne, telles qu’eBay[8]. La responsabilité de la place de marché pourra être engagée en sa qualité d’hébergeur ou d’éditeur selon le rôle joué auprès du vendeur. En revanche, la responsabilité du vendeur pourra être retenue sur le fondement du droit des marques si les conditions classiques de la contrefaçon sont réunies[9].
Les différentes atteintes aux marques sur les réseaux sociaux sont :
Pour éviter le username squatting, les entreprises ont tout intérêt de réserver sur chaque réseau social le nom d’utilisateur associé au nom de leur marque avant toute réservation par des tiers, sans même forcément en faire usage.
Les réseaux sociaux ont tous des conditions générales d’utilisation (CGU) qui contiennent des procédures spécifiques, simples et gratuites en cas de contenus illicites. Ces procédures sont conformes à la loi française sur la confiance dans l’économie numérique[10]. Les réseaux sociaux sont considérés comme répondant au statut d’hébergeur, de sorte que ces derniers sont tenus de procéder dans de brefs délais au retrait de contenu illicite après réception d’une notification leur signalant. A défaut d’un retrait dans de prompt délai, le juge pourra être saisi.
Le juge français sera compétent, en cas d’atteinte à une marque française dans une page visant le public français, sans que le réseau social puisse opposer au titulaire une quelconque clause attributive de juridiction dans les CGU.
Les décisions judiciaires sont rares pour l’instant. Celles qui ont été rendues à ce jour montrent combien il est difficile de s’opposer judiciairement à l’emploi d’une marque sur un réseau social[11]. Plutôt que de lutter contre le phénomène, les titulaires ont aujourd’hui tendance à l’accompagner afin de le contrôler.
Ce développement a créé une concurrence externe avec l’émergence des noms de domaines, signe distinctif propre au web.
[1] Article L.713-6 du Code de propriété intellectuelle, Cass. Com., 10 février 2015, n°12-26.
[2] Cass. Com., 8 avril 2008, n°06-10.961, Esso c/ Greepeace.
[3] TGI Paris, 25 juin 2009, Générale de Services Aériens, Olivier B c/ Easyvoyage ; TGI Nanterre, 25 mars 2010, Ordinateur Express c/ CBS Interactive.
[4] TGI Paris, 26 février 2016, Sapia c/Humanis Prévoyance, APGIS.
[5] Le parasitisme est le fait de se placer dans le sillage d’une entreprise pour tirer indument profit du savoir-faire et des investissements humains et financiers consentis elle et donc de sa notoriété.
[6] CJUE, 23 mars 2010, C-236/08 à C-238/08, Google c/ Louis Vuitton.
[7] Cass. Com.
[8] CJUE, 12 juillet 2011, C-324/09, L’Oréal c/ eBay.
[9] TGI Paris, 13 avril 2012, n°11/04870, Mitutoyo c/ Ex Machina.
[10] Dite LCEN, du 21 juin 2004.
[11] TGI Paris, 25 septembre 2014, n°14/00145, Sté JR Connect et Sté Night Management ; TGI Paris, 28 novembre 2013, Legalis.