Quelle particularité d’une marque composée du nom patronymique ?

Vincent Fauchoux
Par Vincent Fauchoux
Avocat au barreau de Paris et cofondateur du site BlockchainyouIp. Ancien président de l'association Cyberlex (2005- 2007), il est à l'origine des Rencontres annuelles du Droit de l'Internet.

Le principe : La notion de nom patronymique

Le nom de famille d’une personne (le patronyme) est un droit qui lui est personnel, mais qui peut être utilisé à titre commercial comme dénomination sociale d’une société et/ou comme marque (Christian Dior, Pierre Cardin, Kenzo, etc.)[1].

Les juridictions françaises considèrent qu’un patronyme, lorsqu’il est utilisé à titre de marque, se détache de la personne qui le porte et devient un droit de propriété industrielle distinct[2].

La société qui a été autorisée à utiliser le patronyme d’une personne physique peut lorsque ce dernier quitte la société, continuer à l’utiliser dans les mêmes conditions que lorsqu’il en faisait partie. La société ne peut en revanche utiliser le patronyme au-delà de ce qui a été autorisé par le titulaire du nom (par exemple le déposer à titre de marque, lorsque celui-ci était uniquement utilisé à titre de dénomination sociale[3]).

Afin d’éviter toute insécurité juridique, les deux parties ont tout intérêt à choisir un nom qui ne soit pas celui du créateur ou à prévoir dès l’origine, dans la convention les liant, les conditions d’utilisation du nom patronymique et les conséquences d’un éventuel départ de la personne titulaire du nom.

Par exemple : SV choisit de dénominer sa société par ses initiales et non par son patronyme

SV, jeune créateur de lunette, exploite ses créations par l’intermédiaire d’une société commerciale, immatriculée auprès du registre du commerce et des sociétés de Paris.

Il choisit le nom de fantaisie « StarVu »« » comme dénomination sociale de cette société.

Ce choix judicieux permettra le cas échéant à la société de continuer à exploiter cette dénomination après le départ de SV et permettra à SV de continuer à utiliser son patronyme une fois qu’il sera parti et qu’il aura acquis une certaine notoriété auprès du public.

Pour aller plus loin : la remise en cause d'une cession de patronyme

Il est difficile pour une personne de recouvrer le droit d’utiliser son nom lorsque celui-ci a été cédé.

En effet, le cédant est tenu de garantir au cessionnaire un usage paisible des droits qu’il a cédés, tant au titre de stipulations contractuelles éventuelles que de dispositions légales (article 1626 du Code civil)[4].

Il serait donc mal venu pour le créateur, de soutenir que les marques comportant son nom seraient de nature à tromper le public, alors qu’il aurait accepté que la société utilise son nom (à titre de marque ou comme dénomination sociale) et cédé les parts ou actions qu’il détenait dans l’entreprise,.

La Cour de justice a récemment précisé à ce titre que l’utilisation d’une marque composée d’un nom patronymique ne devient pas automatiquement déceptive (trompeuse) au seul motif que la personne titulaire de ce nom quitte la structure commercialisant les produits sous ladite marque, à plus forte raison lorsque la clientèle attachée à cette marque a également fait l’objet d’une cession.

[1] L. 711-1 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle

[2] Cass. Com. 12 mars 1985-Bordas

[3] Cass. Com. 6 mai 2003 – Ducasse

[4] Ainsi dans une affaire Inès de la Fressange, la Cour de cassation a retenu sur le fondement de l’article 1628 du Code civil, que Madame de la Fressange manquait à son obligation de garantir l’acquéreur contre tout trouble dans la jouissance paisible des droits qui avaient été cédés, en demandant à la société INES DE LA FRESSANGE de cesser d’utiliser la marque INES DE LA FRESSANGE (Cass. Com. 31 janvier 2006).la Cour de Justice des Communautés Européennes a adopté une position similaire dans un arrêt du 30 mars 2006 C-259/04, Elizabeth Florence Emanuel c/ Continental Shelf.